Le but de Terre Rouge France est d’apporter une aide dans le soin et la formation de personnel soignant pour lutter contre le cancer du col de l’utérus dans la région de Diana.
Mener à bien cette mission passe par l’accompagnement des intervenants malgaches, infirmiers et médecins. De leur côté, ils nous aident comme interprètes. Nous échangeons nos connaissances et avons mis en place un tutorat favorisant l’apprentissage de nouvelles techniques chirurgicales, chirurgie par voie vaginale par exemple. Point sur une mission 2015 riche, pour les populations locales, les soignants locaux et pour nous !
Des objectifs de mission proches des besoins locaux
Cette année, notre objectif était de prendre en charge chirurgicalement des patients démunis présélectionnés en fonction des spécialités des médecins missionnaires, en prenant en charge l’ensemble des dépenses : consultations, bilan pré-opératoire, intervention, hospitalisation et traitements post-opératoires. Plus concrètement, nos missions 2015 étaient les suivantes :
- Effectuer des consultations de médecine générale itinérantes en brousse par un binôme médecin généraliste-infirmière : soigner gratuitement tout en échangeant nos connaissances avec le soignant local ;
- Effectuer des interventions de chirurgie gynécologique, notamment cœlioscopie, chirurgie par voie vaginale et fistules vésico vaginales ;
- Etudier, avec notre cartographe, l’organisation régionale de la santé, afin d’évaluer les possibilités d’y ajouter des actions de santé publique ;
- Mettre en place le See and Treat dans la région ;
- Rencontrer les différentes autorités de santé pour signer des conventions de fonctionnement.
Des moyens médicaux et humains pour répondre à ces besoins
• Le See and treat
La prévalence du cancer du col de l’utérus est très élevée à Madagascar, comme dans la plupart des pays d’Afrique sub-saharienne. Son dépistage tel que nous le connaissons dans les pays occidentaux n’est pas envisageable à Madagascar compte-tenu des moyens très limités et de la population non habituée à l’idée même de campagne de dépistage. C’est pourquoi nous nous sommes intéressés au See And Treat.
L'idée est que Madagascar n' a pas les moyens d'analyser des frottis cervico vaginaux comme nous le faisons dans les pays développés. L'alternative, qui a été mise au point et développée en Inde, consiste à faire une analyse visuelle du col de l'utérus après coloration à l acide acétique ( Inspection Visuelle Acide). Nous avons alors 3 cas de figures:
IVA négatif: la patiente est rassurée
IVA positif avec aspect de cancer du col: la patiente est adressée au CHU pour prise en charge adaptée
IVA positif avec aspect suspect de lésion pré cancéreuse du col: la patiente est traitée sur place, sans anesthésie, par cryothérapie. On proposera alors à ces patientes des visites de contrôle régulières
Si cette technique n'est pas optimale, car nous n'avons ni la preuve formelle de ce que nous traitons, ni la preuve que notre traitement par cryothérapie est complet, elle combine les mérites de d'examiner des femmes qui ne le seraient jamais autrement, de diagnostiquer précocement des patientes, et de les faire rentrer dans un circuit de suivi.
Trouver l’équilibre entre théorie et pratique
Le See And Treat est connu et a déjà été expérimenté dans la région de Diana, avec plus ou moins de succès. Le Dr Catabelle, et l’association Gyn’Aide, ont équipé et formé un médecin. Malheureusement, ce projet a été confronté à des problèmes logistiques et à la réalité du terrain. Les sages femmes n’ont pu être formées et le colposcope et la sonde de cryothérapie ne fonctionnent plus. D’autre part, un autre inconvénient de taille a entravé cet objectif : les femmes de brousse n’ont ni les moyens ni l’envie d’aller à l’hôpital. Pour les plus distantes dans la région, le trajet peut être de plus de 5 h et coûter 7 à 8 euros.
Notre projet est de reprendre cette belle initiative et de créer une chaîne de dépistage en formant un ou plusieurs médecins référents et d'organiser des campagnes itinérantes de dépistage en brousse ( tous les 2 mois). Les cas IVA positifs non inquiétant étant traités sur place, et les IVA positifs suspects de cancer étant ensuite référé au CHU Tanambao 1, où le Pr Randriambololona, gynécologue, le prendrait en charge.
Nous avons donc allié théorie et pratique, en formant les 30 médecins de dispensaires de la région grâce à un power point explicatif reprenant physiopathologie de la maladie, IVA et cryothérapie. Nous sommes ensuite parti en brousse avec le médecin référent, Dr Rossi, pour effectuer un dépistage sur plusieurs jours. Nous avons dépisté alors 120 patientes, et traité immédiatement grâce à la machine de cryothérapie 4 cas IVA positifs.
Après la formation des médecins, la communication auprès des patientes
Pour toucher le maximum de patientes, les campagnes de dépistage doivent être délocalisées, régulières et médiatisées. Par exemple des campagnes bi-mensuelles d’une semaine, sur les principaux CSB (Centre de Santé de Base), les jours de marché. Ces campagnes reposeront sur des affiches dans les CSB, des messages radio et le tam-tam (bouche à oreille). Compte tenu de la grande taille de la région, les campagnes toucheront successivement différentes zones, pour être répétées au même endroit environ tous les ans.
L’aboutissement du travail : la consultation
Dans le meilleur des cas, les patientes sont IVA négatives et ne seront revues qu’à 3 ou 5 ans. En cas d’IVA positif, la patiente sera cryothérapée sur place et reconvoquée à 1 an lors de la campagne suivante.
En cas de diagnostic de cancer du col, la patiente sera référée au Pr Randriambololona . Pour permettre un suivi au long cours, il est convenu que le Dr Rossi consignera son examen dans le carnet de la patiente, et fera un registre des patientes dépistées et référées dont il nous enverra une copie tous les 6 mois
•Les centres de Santé de Base (CSB)
Le but initial de notre action étant de recruter des patientes à opérer en gynécologie, la consigne passée à la population était basée sur la symptomatologie : douleurs pelviennes, métrorragies, masse abdominale, fuites urinaires.
Plusieurs équipes de consultants ont travaillé sur cette mission, des binômes médecin-infirmière dans les CSB, accompagnés d’étudiants infirmiers locaux, et l’équipe gynéco-anesthésiste à l’hôpital.
Nous sommes allés dans les 5 CSB suivants, distants de 10 à 80 km de Diégo (soit 30 min à 2h !!)
Malgré la communication faite en amont, les patientes venaient souvent pour des symptômes multiples très flous, souvent chroniques, fréquemment difficilement définissables du fait de la barrière de la langue (l’interprète est un intermédiaire supplémentaire). Tous ces paramètres conjugués rendent difficiles la tenue d’un registre des consultantes.
Nous avons cependant pu adresser au moins 23 patientes à l’équipe de l’hôpital pour examen complémentaire ou prise en charge chirurgicale à partir de nos consultations en CSB.
•A l’hôpital
Nous disposions de 1 ou 2 salles de consultation selon les jours, et d’un Lion interprète non médical.
A l’hôpital, nous avons accès à beaucoup de classes thérapeutiques et nous pouvons réaliser des bilans sanguins simples, des radiographies et des échographies (onéreuses).
Au-delà du bilan chirurgical, nous pouvons compter parmi nos actions à l’hôpital 4 prescriptions de rééducation périnéale pour incontinences urinaires d’effort.
En plus de la prise en charge de ces 4 patients, ces séances de rééducation ont été l’occasion pour Annabelle, notre sage femme, de former la sage femme locale qui en était ravie !
•La chirurgie (+ article plus détaillé à part)
Les motifs de consultation les plus fréquents étaient les douleurs pelviennes, les pertes vaginales anormales, les sensations de masse abdominale, les méno-métrorragies, l’infertilité et les fistules vésico-vaginales.
Les motifs de consultations, ainsi que le diagnostic, les bilans biologiques et les traitements, ont été consignés dans des carnets faisant office de carnet de santé apportés par les patients.
Les bilans étaient réalisés directement au laboratoire et les traitements délivrés par la pharmacie de l’hôpital. Dans les deux cas les frais ont été pris en charge par notre association. Plusieurs patientes ont par ailleurs été référées à des confrères hospitaliers pour une prise en charge spécifique (urologie, médecine, gynécologie médicale).
Pour toutes les patientes, nous avons suivi une démarche post-opératoire de réhabilitation rapide : réalimentation à H6, lever et retrait des sondes urinaires et des perfusions à J1, prévention du risque thromboembolique par injection d’HBPM (héparine de bas poids moléculaire) à H6.
Dans le cadre de la formation des professionnels de santé, le Dr Mamisoa a pu réaliser en tant que premier opérateur, aidé par un des deux chirurgiens de la mission : 2 hystérectomies par voie vaginale et 2 cœlioscopies. Pour ces deux types d’interventions, il nous a dit se sentir suffisamment autonome pour pouvoir les réaliser seul après notre départ.
Le Dr Mamisoa et les infirmiers du service de chirurgie ont été sensibilisés aux bénéfices, pour l’hôpital et pour les patients, d’un protocole de réhabilitation postopératoire rapide. Le «Fast-track chirurgical » permet en effet de diminuer les complications post-opératoires, d’écourter les séjours (et ainsi de programmer plus d’interventions) et de diminuer considérablement les frais des patientes (moins de perfusions, moins de traitements).
Mise en service de la colonne de cœlioscopie :
Lors de notre mission 2014, le Dr Mamisoa nous avait appris l’existence d’une colonne de cœlioscopie (don d’un hôpital français) jamais utilisée devant l’absence d’une formation suffisante des chirurgiens et l’absence de housses de protection de caméra. Cette année nous avons pu mettre en place cette colonne et tester le matériel. Tous les éléments étaient utilisables et stérilisables de façon sûre. Nous avons donné au Dr Mamisoa plusieurs housses de caméra afin qu’il puisse réaliser des cœlioscopies diagnostiques +/- opératoires simples (notamment des grossesses extra-utérines +++) après notre départ.
L’hôpital Manara-Penitra de Diego est ainsi devenu le deuxième hôpital public de Madagascar à pouvoir réaliser des cœlioscopies après Antananarive !
•Un contact très positif avec les populations locales
Toutes les patientes ont accepté le dépistage avec plaisir à l’exception d’une personne qui a refusé l’examen en voyant le spéculum.
Le dépistage était proposé à l’issue de ce qui était annoncé comme une consultation de gynécologie, les patientes ne venaient donc pas pour ça exclusivement. Malgré ce gros biais, les patientes paraissaient très contentes et rassurées de savoir que « tout allait bien ». Dans ce pays, les douleurs pelviennes chroniques sont très fréquentes (séquelles d’infections gynécologiques, de pathologies digestives infectieuses). L’inquiétude générée par ces douleurs est entretenue par l’absence d’accès à un bilan ou une imagerie. L’examen aux conclusions positives, expliqué et réalisé par un Wahasa, les rassure énormément et a fait des émules ! Les patientes affluaient de plus en plus chaque jour à Anivorano alors que notre venue n’avait pas été anticipée. Ce qui prouve d’une part que le bouche à oreille fonctionne et que, d’autre part, l’impression positive de nos consultations était bien relayée par les populations !
Au total je suis persuadé que le See and treat est une technique très adaptée à la région de Diego, et je suis optimiste quant à sa mise en pratique. L’avenir nous le dira !
De nombreux points positifs
Un grand merci à toute l’équipe des Lions qui s’est démenée pour nous rendre la vie facile, logistiquement (mise à disposition de transports, aide logistique et humainement (traduction repas ensemble) ! Ils nous on permis de rencontrer les autorités de santé, de signer des conventions de fonctionnement avec le Directeur Régional de la Santé et le Directeur des CSB.
En bref, une très bonne entente et une excellente motivation dans notre équipe !!
•Mais des besoins restent encore à couvrir et nécessitent de nouveaux fonds
Pour faciliter la logistique…
D’un point de vue logistique, les deux premières campagnes ont été riches d’enseignement : emmener plus de spéculums, équiper un fourgon mobile pour éviter de déplacer la bombonne de 115 kg tous les jours, et l’équiper avec une bonne table d’examen et un bon scialytique.
D’autre part, nous avons eu des difficultés d’accès aux box de consultation et à l’échographie : La mission pourrait être significativement potentialisée en ayant à disposition 3 box de consultation : 2 pour la gynécologie et 1 pour l’anesthésie.
L’accès à la pharmacie a également été délicat, nous avons ainsi fini par demander aux familles des patients de délivrer eux même les médicaments pris par voie orale !
Toujours un accueil mitigé de la part de plusieurs médecins et administratif de l’hôpital. Pour expliquer cette situation, nous avons avancé certaines hypothèses. En premier lieu, l’impression de concurrence et la peur de se faire « enlever » de la patientèle et donc des revenus. Malgré la gratuité des soins à Madagascar, les bakchich sont fréquents à tous les niveaux… A tel point que certaines ONG paieraient les médecins lors de leurs missions, pour les intéresser. TRF ne les paie pas, ce peut être une forme de contestation de leur part. D’autre part, il est difficile de travailler en coopération avec un médecin local. Nous avons des façons différentes de travailler et d’appréhender la médecine.
Et s’adapter aux contraintes locales
Afin de nous mettre en conditions locales, nous n’avions pas pris de matériel jetable, mais du réutilisable. La re-stérilisation des pinces longuettes et spéculums (seulement 12) au fur et à mesure. Après un bain de solution de chlore à 0,5%, les spéculums étaient trempés dans l’eau bouillante pendant 20 minutes, avant ré utilisation.
À Madagascar, l’anticipation est très difficile et l’organisation prend du temps. Le temps et l’énergie passés à organiser des RDV avec les autorités locales étaient très importants. Le temps de mise en relation avec les médecins est aussi conséquent, les médecins et administratifs locaux ne répondent pas aux mails !
La communication avec la population locale était malheureusement trop faible, le public cible n’était donc pas informé des dates de la mission. L’affichage dans les dispensaires était sans doute insuffisant, les médecins responsables des CSB n’étaient pas informés ; l’hôpital de Diégo Suarez a refusé que l’information sur la campagne se fasse par la TV et la radio. La meilleure stratégie de communication était au final le tam-tam (bouche à oreilles) qui se fait bien en brousse dès notre arrivée !
Le fait que nous n’ayons proposé que des interventions de chirurgie gynécologiques nous a amené à un rendement très faible, inférieur à 10%. La grande majorité des patientes consultant pour des douleurs pelviennes présentait des pathologies fonctionnelles ou relevant d’un simple traitement médical. En cause, le défaut d’information préalable auprès de la population sur le type de mission (chirurgicale et non médicale) et l’absence de pré-sélection des patientes.
Choix non optimal des dispensaires de passage : il est difficile de travailler en coopération avec un médecin local. Nous avons des façons différentes de travailler et d’appréhender la médecine.
Au sein de TRF, nous devons également tirer des leçons de cette campagne 2015. Bien que notre équipe soit nombreuse, les fiches de postes étaient parfois insuffisamment claires et les dates de départ différentes, ce qui a désorganisé la mission. Le président, très occupé à sa mission médicale de see and treat était peu disponible pour la gestion d’équipe.
Ces difficultés sont avant tout des points d’optimisation. Nous devons passer davantage de temps à la préparation, en amont des missions :
- Des contacts au moins mensuels dans les mois précédent la mission
- Au minimum deux missions chirurgicales par an, avec des spécialités différentes, répondant à une demande ciblée : plasticiens pour les fentes labio-palatines (becs de lièvres), orthopédistes pour les pied-bots, ORL pour les goitres thyroïdiens, viscéral pour les hernies…
- Une communication efficace avec des annonces précises à la radio, des affiches explicites indiquant le caractère chirurgical et les dates des missions, à Diego et dans les dispensaires avoisinants,
- Une mission organisée en 2 temps avec une pré-sélection des patientes potentiellement chirurgicales par des acteurs médicaux locaux ou des membres de TRF,
- Une collaboration renforcée avec les Lions Club.
Des points spécifiques à la médecine générale, la chirurgie, l’anesthésie et les soins infirmiers sont également à prendre en compte.
•Conclusion/remerciements du président
Nous avons un bilan très positif de cette mission de mai 2015. Nous avons consolidé notre alliance avec le Lion’s Club, et avons créé des conventions nous permettant d’élargir au besoin nos activités. Nous avons également développé de nouveaux axes d’actions, de prévention et de formation de personnel soignant tout en continuant à dispenser des soins et médicaments gratuits.
Une excellente nouvelle nous est parvenue et va renforcer le dispositif de soins à Madagascar : la troisième faculté de médecine à Madagascar après Antananarive et Mahajenga doit être ouverte à Diego dans les semaines à venir. Des professeurs et beaucoup plus d’étudiants devraient occuper les lieux lors de notre prochaine mission. Nous attendons des nouvelles de cette future organisation par le Dr Mamisoa afin que nous puissions nous mettre en relation rapidement par mail avec les universitaires.
J’ai hâte de préparer la suivante ! Merci pour tout !
Mission 2015 : un bilan constructif et prometteur
Le but de Terre Rouge France est d’apporter une aide dans le soin et la formation de personnel soignant pour lutter contre le cancer du col de l’utérus dans la région de Diana.
Mener à bien cette mission passe par l’accompagnement des intervenants malgaches, infirmiers et médecins. De leur côté, ils nous aident comme interprètes. Nous échangeons nos connaissances et avons mis en place un tutorat favorisant l’apprentissage de nouvelles techniques chirurgicales, chirurgie par voie vaginale par exemple. Point sur une mission 2015 riche, pour les populations locales, les soignants locaux et pour nous !
Des objectifs de mission proches des besoins locaux
Cette année, notre objectif était de prendre en charge chirurgicalement des patients démunis présélectionnés en fonction des spécialités des médecins missionnaires, en prenant en charge l’ensemble des dépenses : consultations, bilan pré-opératoire, intervention, hospitalisation et traitements post-opératoires. Plus concrètement, nos missions 2015 étaient les suivantes :
- Effectuer des consultations de médecine générale itinérantes en brousse par un binôme médecin généraliste-infirmière : soigner gratuitement tout en échangeant nos connaissances avec le soignant local ;
- Effectuer des interventions de chirurgie gynécologique, notamment cœlioscopie, chirurgie par voie vaginale et fistules vésico vaginales ;
- Etudier, avec notre cartographe, l’organisation régionale de la santé, afin d’évaluer les possibilités d’y ajouter des actions de santé publique ;
- Mettre en place le See and Treat dans la région ;
- Rencontrer les différentes autorités de santé pour signer des conventions de fonctionnement.
Des moyens médicaux et humains pour répondre à ces besoins
• Le See and treat
• Les centres de Santé de Base (CSB)
Le but initial de notre action étant de recruter des patientes à opérer en gynécologie, la consigne passée à la population était basée sur la symptomatologie : douleurs pelviennes, métrorragies, masse abdominale, fuites urinaires.
Plusieurs équipes de consultants ont travaillé sur cette mission, des binômes médecin-infirmière dans les CSB, accompagnés d’étudiants infirmiers locaux, et l’équipe gynéco-anesthésiste à l’hôpital.
Nous sommes allés dans les 5 CSB suivants, distants de 10 à 80 km de Diégo (soit 30 min à 2h !!)
Malgré la communication faite en amont, les patientes venaient souvent pour des symptômes multiples très flous, souvent chroniques, fréquemment difficilement définissables du fait de la barrière de la langue (l’interprète est un intermédiaire supplémentaire). Tous ces paramètres conjugués rendent difficiles la tenue d’un registre des consultantes.
Nous avons cependant pu adresser au moins 23 patientes à l’équipe de l’hôpital pour examen complémentaire ou prise en charge chirurgicale à partir de nos consultations en CSB.
• A l’hôpital
Nous disposions de 1 ou 2 salles de consultation selon les jours, et d’un Lion interprète non médical.
A l’hôpital, nous avons accès à beaucoup de classes thérapeutiques et nous pouvons réaliser des bilans sanguins simples, des radiographies et des échographies (onéreuses).
Au-delà du bilan chirurgical, nous pouvons compter parmi nos actions à l’hôpital 4 prescriptions de rééducation périnéale pour incontinences urinaires d’effort.
En plus de la prise en charge de ces 4 patients, ces séances de rééducation ont été l’occasion pour Annabelle, notre sage femme, de former la sage femme locale qui en était ravie !
• La chirurgie (+ article plus détaillé à part)
Les motifs de consultation les plus fréquents étaient les douleurs pelviennes, les pertes vaginales anormales, les sensations de masse abdominale, les méno-métrorragies, l’infertilité et les fistules vésico-vaginales.
Les motifs de consultations, ainsi que le diagnostic, les bilans biologiques et les traitements, ont été consignés dans des carnets faisant office de carnet de santé apportés par les patients.
Les bilans étaient réalisés directement au laboratoire et les traitements délivrés par la pharmacie de l’hôpital. Dans les deux cas les frais ont été pris en charge par notre association. Plusieurs patientes ont par ailleurs été référées à des confrères hospitaliers pour une prise en charge spécifique (urologie, médecine, gynécologie médicale).
Pour toutes les patientes, nous avons suivi une démarche post-opératoire de réhabilitation rapide : réalimentation à H6, lever et retrait des sondes urinaires et des perfusions à J1, prévention du risque thromboembolique par injection d’HBPM (héparine de bas poids moléculaire) à H6.
Dans le cadre de la formation des professionnels de santé, le Dr Mamisoa a pu réaliser en tant que premier opérateur, aidé par un des deux chirurgiens de la mission : 2 hystérectomies par voie vaginale et 2 cœlioscopies. Pour ces deux types d’interventions, il nous a dit se sentir suffisamment autonome pour pouvoir les réaliser seul après notre départ.
Le Dr Mamisoa et les infirmiers du service de chirurgie ont été sensibilisés aux bénéfices, pour l’hôpital et pour les patients, d’un protocole de réhabilitation postopératoire rapide. Le «Fast-track chirurgical » permet en effet de diminuer les complications post-opératoires, d’écourter les séjours (et ainsi de programmer plus d’interventions) et de diminuer considérablement les frais des patientes (moins de perfusions, moins de traitements).
Mise en service de la colonne de cœlioscopie :
Lors de notre mission 2014, le Dr Mamisoa nous avait appris l’existence d’une colonne de cœlioscopie (don d’un hôpital français) jamais utilisée devant l’absence d’une formation suffisante des chirurgiens et l’absence de housses de protection de caméra. Cette année nous avons pu mettre en place cette colonne et tester le matériel. Tous les éléments étaient utilisables et stérilisables de façon sûre. Nous avons donné au Dr Mamisoa plusieurs housses de caméra afin qu’il puisse réaliser des cœlioscopies diagnostiques +/- opératoires simples (notamment des grossesses extra-utérines +++) après notre départ.
L’hôpital Manara-Penitra de Diego est ainsi devenu le deuxième hôpital public de Madagascar à pouvoir réaliser des cœlioscopies après Antananarive !
• Un contact très positif avec les populations locales
Toutes les patientes ont accepté le dépistage avec plaisir à l’exception d’une personne qui a refusé l’examen en voyant le spéculum.
Le dépistage était proposé à l’issue de ce qui était annoncé comme une consultation de gynécologie, les patientes ne venaient donc pas pour ça exclusivement. Malgré ce gros biais, les patientes paraissaient très contentes et rassurées de savoir que « tout allait bien ». Dans ce pays, les douleurs pelviennes chroniques sont très fréquentes (séquelles d’infections gynécologiques, de pathologies digestives infectieuses). L’inquiétude générée par ces douleurs est entretenue par l’absence d’accès à un bilan ou une imagerie. L’examen aux conclusions positives, expliqué et réalisé par un Wahasa, les rassure énormément et a fait des émules ! Les patientes affluaient de plus en plus chaque jour à Anivorano alors que notre venue n’avait pas été anticipée. Ce qui prouve d’une part que le bouche à oreille fonctionne et que, d’autre part, l’impression positive de nos consultations était bien relayée par les populations !
Au total je suis persuadé que le See and treat est une technique très adaptée à la région de Diego, et je suis optimiste quant à sa mise en pratique. L’avenir nous le dira !
De nombreux points positifs
Un grand merci à toute l’équipe des Lions qui s’est démenée pour nous rendre la vie facile, logistiquement (mise à disposition de transports, aide logistique et humainement (traduction repas ensemble) ! Ils nous on permis de rencontrer les autorités de santé, de signer des conventions de fonctionnement avec le Directeur Régional de la Santé et le Directeur des CSB.
En bref, une très bonne entente et une excellente motivation dans notre équipe !!
• Mais des besoins restent encore à couvrir et nécessitent de nouveaux fonds
Pour faciliter la logistique…
D’un point de vue logistique, les deux premières campagnes ont été riches d’enseignement : emmener plus de spéculums, équiper un fourgon mobile pour éviter de déplacer la bombonne de 115 kg tous les jours, et l’équiper avec une bonne table d’examen et un bon scialytique.
D’autre part, nous avons eu des difficultés d’accès aux box de consultation et à l’échographie : La mission pourrait être significativement potentialisée en ayant à disposition 3 box de consultation : 2 pour la gynécologie et 1 pour l’anesthésie.
L’accès à la pharmacie a également été délicat, nous avons ainsi fini par demander aux familles des patients de délivrer eux même les médicaments pris par voie orale !
Toujours un accueil mitigé de la part de plusieurs médecins et administratif de l’hôpital. Pour expliquer cette situation, nous avons avancé certaines hypothèses. En premier lieu, l’impression de concurrence et la peur de se faire « enlever » de la patientèle et donc des revenus. Malgré la gratuité des soins à Madagascar, les bakchich sont fréquents à tous les niveaux… A tel point que certaines ONG paieraient les médecins lors de leurs missions, pour les intéresser. TRF ne les paie pas, ce peut être une forme de contestation de leur part. D’autre part, il est difficile de travailler en coopération avec un médecin local. Nous avons des façons différentes de travailler et d’appréhender la médecine.
Et s’adapter aux contraintes locales
Afin de nous mettre en conditions locales, nous n’avions pas pris de matériel jetable, mais du réutilisable. La re-stérilisation des pinces longuettes et spéculums (seulement 12) au fur et à mesure. Après un bain de solution de chlore à 0,5%, les spéculums étaient trempés dans l’eau bouillante pendant 20 minutes, avant ré utilisation.
À Madagascar, l’anticipation est très difficile et l’organisation prend du temps. Le temps et l’énergie passés à organiser des RDV avec les autorités locales étaient très importants. Le temps de mise en relation avec les médecins est aussi conséquent, les médecins et administratifs locaux ne répondent pas aux mails !
La communication avec la population locale était malheureusement trop faible, le public cible n’était donc pas informé des dates de la mission. L’affichage dans les dispensaires était sans doute insuffisant, les médecins responsables des CSB n’étaient pas informés ; l’hôpital de Diégo Suarez a refusé que l’information sur la campagne se fasse par la TV et la radio. La meilleure stratégie de communication était au final le tam-tam (bouche à oreilles) qui se fait bien en brousse dès notre arrivée !
Le fait que nous n’ayons proposé que des interventions de chirurgie gynécologiques nous a amené à un rendement très faible, inférieur à 10%. La grande majorité des patientes consultant pour des douleurs pelviennes présentait des pathologies fonctionnelles ou relevant d’un simple traitement médical. En cause, le défaut d’information préalable auprès de la population sur le type de mission (chirurgicale et non médicale) et l’absence de pré-sélection des patientes.
Choix non optimal des dispensaires de passage : il est difficile de travailler en coopération avec un médecin local. Nous avons des façons différentes de travailler et d’appréhender la médecine.
Au sein de TRF, nous devons également tirer des leçons de cette campagne 2015. Bien que notre équipe soit nombreuse, les fiches de postes étaient parfois insuffisamment claires et les dates de départ différentes, ce qui a désorganisé la mission. Le président, très occupé à sa mission médicale de see and treat était peu disponible pour la gestion d’équipe.
Ces difficultés sont avant tout des points d’optimisation. Nous devons passer davantage de temps à la préparation, en amont des missions :
- Des contacts au moins mensuels dans les mois précédent la mission
- Au minimum deux missions chirurgicales par an, avec des spécialités différentes, répondant à une demande ciblée : plasticiens pour les fentes labio-palatines (becs de lièvres), orthopédistes pour les pied-bots, ORL pour les goitres thyroïdiens, viscéral pour les hernies…
- Une communication efficace avec des annonces précises à la radio, des affiches explicites indiquant le caractère chirurgical et les dates des missions, à Diego et dans les dispensaires avoisinants,
- Une mission organisée en 2 temps avec une pré-sélection des patientes potentiellement chirurgicales par des acteurs médicaux locaux ou des membres de TRF,
- Une collaboration renforcée avec les Lions Club.
Des points spécifiques à la médecine générale, la chirurgie, l’anesthésie et les soins infirmiers sont également à prendre en compte.
• Conclusion/remerciements du président
Nous avons un bilan très positif de cette mission de mai 2015. Nous avons consolidé notre alliance avec le Lion’s Club, et avons créé des conventions nous permettant d’élargir au besoin nos activités. Nous avons également développé de nouveaux axes d’actions, de prévention et de formation de personnel soignant tout en continuant à dispenser des soins et médicaments gratuits.
Une excellente nouvelle nous est parvenue et va renforcer le dispositif de soins à Madagascar : la troisième faculté de médecine à Madagascar après Antananarive et Mahajenga doit être ouverte à Diego dans les semaines à venir. Des professeurs et beaucoup plus d’étudiants devraient occuper les lieux lors de notre prochaine mission. Nous attendons des nouvelles de cette future organisation par le Dr Mamisoa afin que nous puissions nous mettre en relation rapidement par mail avec les universitaires.
J’ai hâte de préparer la suivante ! Merci pour tout !
Guillaume
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